Sud-Kivu : la visite du ministre de la Défense à Uvira crée des tensions sociales
Uvira, Sud-Kivu – Le passage du vice-premier ministre et ministre de la Défense, Guy Kabombo Mwadiamvita, suscite des réactions controversées et des tensions inévitables au sein des couches sociales dans la zone. Ce voyage, qui aurait dû unir la communauté face aux menaces posées par les rebelles de l’AFC-M23, révèle au contraire des fractures au sein de la société et détourne l’attention des acteurs.
Lors de sa visite, un
montant de 50 000 $ a été distribué à cinq groupes représentant la société
civile, les Wazalendo, la jeunesse, les sages et les femmes leaders. Cette
donation, effectuée en public, conduit à des frustrations et des ressentiments,
les bénéficiaires ne cachant pas leur mécontentement quant à la façon dont
l'argent a été distribué après le départ du ministre. Certains observateurs
estiment que le ministre a commis une erreur en procédant ainsi dans une région
déjà soumise aux tensions des groupes armés.
Sur les réseaux
sociaux et au sein de la société, les messages de colère et d'indignation se
multiplient. Des lettres de mécontentement sont adressées par des membres de
groupes qui n'ont pas reçu leur part, créant ainsi un climat de division au
lieu de solidarité face à l'ennemi commun.
Une manipulation
politicienne ?
Les experts
s'interrogent sur l'impact de cet argent des contribuables distribué de manière
irresponsable par le vice-premier ministre et ministre de la Défense. Mapenzi
Manyebwa, expert en développement rural et coordinateur de la Dynamique de la
société civile pour le développement durable (DSCDD), analyse la situation avec
une dose d'inquiétude. « Nous sommes très inquiets de la déchirure qui gagne
du terrain dans les structures sociales après la distribution de l'argent
laissé par le ministre de la Défense à Uvira », déclare-t-il à La Presse
africaine.
« Le ministre de la
Défense est arrivé ici, et on croyait qu’il vient avec les nécessaires pour
renforcer ceux qui sont au front, mais rien ; que des discours populistes. On
dirait qu’il a joué le jeu de l’ennemi », témoigne un habitant d’Uvira,
sous réserve d’anonymat.
« Aucun débat
ouvert et objectif pour la question sécuritaire à l'arrivée du VPM et ministre
de la Défense à Uvira avec les parties prenantes en matière sécuritaire, aucun
cahier des charges pour les Wazalendo, les femmes leaders, les sociétés civiles
et autres couches sociales. Nous restons dans la distraction des hommes
politiques congolais, sans prendre conscience de nos vrais défis au Sud-Kivu »,
ajoute monsieur Mapenzi Manyebwa.
Selon lui, l'argent
devrait plutôt être réorienté vers des efforts de soutien aux Forces armées de
la République démocratique du Congo (FARDC) et aux Wazalendo, qui livrent
bataille sur le terrain.
Manyebwa souligne que
la véritable menace réside dans la fragmentation des groupes qui devraient
travailler ensemble. Au lieu de favoriser l'unité, cette distribution a attisé
les tensions entre les différentes couches de la population. « Notre constat
est sombre sur les comportements des plusieurs leaders à Uvira. Nous avons
certaines pathologies que nous continuons à manifester, notamment la cupidité,
l'égoïsme et le manque de patriotisme, la haine viscérale des uns contre les autres, le manque d'unité de coordination entre les structures des jeunes, les
sociétés civiles, les mouvements citoyens, etc. », ajoute-t-il.
Appels à l’action
Bani Bibenga Georges,
expert consultant en cohésion sociale dans la ville d’Uvira, exprime également
ses préoccupations lors d’un entretien avec La Presse africaine : « Au lieu
que ça soit une initiative qui contribue à l'amélioration de la sécurité et
atténue la misère dans laquelle vit la population d'Uvira en ce moment de la
crise sécuritaire et humanitaire, cet argent est aujourd'hui à la base des
tensions et des conflits entre certaines couches de la population. »
Au moment où la ville
a besoin de l'unité de toute sa population pour faire face à l'ennemi et aux
différents défis économiques, sociaux et sécuritaires, le VPM et ministre de la
Défense vient d'allumer le feu et d'affaiblir cette unité entre la population.
L'impact de cet argent
est très négatif et peut être compris comme une manipulation politicienne de la
population d'Uvira par l'autorité nationale pour un but non connu. Tels sont
les points de vue de plus d’une personne.
Vers une solution
durable
Face à cette situation
délicate, nos sources pensent qu’au lieu d’une simple réunion dans une salle,
la visite du VPM et ministre de la défense devrait être fait dans la plaine de
la Ruzizi pour renforcer la morale des combattants FARDC et Wazalendo, évaluer
les conditions et identifier leurs besoins réels sur le terrain ;
renforcer les infrastructures de base en construisant des micro-barrages pour l’électricité
et en améliorant l’accès à l’eau potable, ce qui réduit les risques pour les
femmes cherchant de l'eau la nuit dans un contexte d'insécurité et enfin, soutenir
les familles des militaires et vaillants Wazalendo, tombés au combat pour
montrer que l'État s'engage à ses côtés dans cette lutte, fait savoir monsieur
Bani Bibenga George.
De sa part, Mapenzi Manyebwa appelle les acteurs de la société civile, les structures des jeunes, les mouvements citoyens avertis et d'autres acteurs politiques et économiques de bonne volonté à lutter contre le dysfonctionnement du gouvernement congolais à tous les niveaux, à multiplier des plaidoiries et des lobbyings pour la refondation de l'État congolais et à sensibiliser la population civile sur le vrai rôle de l'État congolais et des organisations syndicales et de la société civile en RDC et à Uvira en particulier.
Selon lui, « il
est temps d'agir contre le dysfonctionnement du gouvernement et de mutualiser
les efforts pour garantir un avenir meilleur et sécurisé pour la population du
Sud-Kivu ».
Rédaction LA PRESSEAFRICAINE
Je crois que vous comprenez ce que les autres avaient déjà compris. On cherche les traîtres ailleurs, mais ils sont dans les institutions agissant sous l'ombre de leur incompétence.